Gilles, l’effervescent vigneron qui laisse parler le raisin

8 octobre 2020

PORTRAIT Caviste-œnologue depuis deux vendanges à Payerne, Gilles Musy a déjà des millésimes médaillés dans sa cave.

Il se voyait prof de sport, mais il a laissé tomber les balles pour les ballons des divins nectars du Vully et de Lavaux. «Après mon collège à Ste-Croix, j’ai fait plein de boulots à gauche et à droite, dont un stage à la Cave de l’Hôpital, à Môtier, chez Christian Vessaz, et j’ai trouvé ça génial. En fait, j’avais besoin de travailler avec mes mains.» Né le 12 février 1985, Gilles Musy entame alors un apprentissage de vigneron-viticulteur, tout d’abord à la Cave de l’Hôpital. «J’étais son premier apprenti. Je suis parti de rien, mais j’étais chez la bonne personne», dit celui qui ne se prédestinait pas à un tel métier, son papa étant collaborateur du Haras national et sa maman postière. La seconde année d’apprentissage, ça sera chez Gérald Besse, à Martigny, où il se familiarise avec d’autres cépages et méthodes. La 3e année se déroulera au bord du lac de Bienne, à Ligerz.

Se nourrir de ce qui se fait ailleurs Après le CFC, Gilles Musy, poursuit avec une maturité professionnelle à Marcelin et en 2007, il rentre à l’Ecole d’ingénieur en œnologie à Changins. En parallèle, il fera des stages à Neuchâtel, à Rivaz. Il poursuit sa carrière chez Jean-Daniel Chervet, à Praz, où il restera durant neuf ans. Production, gestion d’une équipe et vinification, Gilles a désormais une vision globale du métier. «Jean-Daniel Chervet et Christian Vessaz m’ont tout appris. Nous nous sommes aussi nourris de ce qui se fait ailleurs», glisse l’œnologue.

En 2019, Gilles a cambé des coteaux vulliérains à ceux de Lavaux en obtenant le poste de caviste-œnologue à la commune de Payerne. Une ville qui possède 13 hectares de vignes là-bas depuis le XVIe siècle. «Ma première année s’est très bien passée, mais je suis parti sur des acquis», admet-il, en succédant à Serge Grognuz et Fabien Bernau. «C’était du stress, mais au final tout a roulé et le résultat est là, avec de belles distinctions.» Effectivement, outre les labels traditionnels, les blancs payernois ont décroché d’incroyables médailles au Mondial du chasselas. Une 3e place en catégorie or pour le Bertholod et une 12e place pour le Montagny. C’est très rare d’avoir deux vins classés dans les 15 premiers, dans un concours où 704 vins ont été dégustés à l’aveugle.

«En 2013, on avait gagné le Mondial du chasselas chez Chervet. C’était merveilleux. Cela prouve qu’on est dans le juste.»

Gilles a sa propre philosophie de la vigne et de son fruit. «Pour moi, le vin est fait à la vigne et tu dois la voir, c’est primordial», indique celui qui passe quasi un mois à Aran, au château de Montagny, là où Payerne a son pressoir, ses fûts d’inox et de chêne. «Tout est là, lance-t-il en montrant les coteaux mis en lumière par le soleil d’un matin de septembre. Idyllique. Depuis plus de 10 ans, nous n’utilisons plus d’herbicide, plus d’engrais. Nous ne sommes pas certifiés bio, car si c’est compliqué une année, on peut agir. Si tu es certifié c’est fini. Mais nous cultivons la vigne de manière réfléchie. On doit laisser parler le raisin, peu agir et laisser le vin tranquille», explique Gilles, en avouant que cette méthode demande aussi des contrôles assidus à la cave.
«On doit travailler sur les terroirs»

En couple, avec trois enfants, dont une petite fille de 2 ans et demi, Gilles, qui a toujours vécu à Delley, est plein d’idées pour la suite de ses pérégrinations viticoles payernoises et tant pis pour le foot, son autre passion qu’il a laissée sur le talus. «La période est compliquée, avec le Covid et toutes les fêtes qui sont tombées et autant de vin qui n’a pas été bu. On doit faire face et j’ai envie de positionner notre Cave de l’Abbatiale encore plus dans la gastronomie. On tend vers du plus haut de gamme, avec de nouveaux assemblages.» Les premiers ceps de cabernet franc seront plantés le long des murs. «Là, ils auront une maturité optimale, ajoute celui qui s’inspire un peu de ce qui se fait dans la région bordelaise. On doit travailler sur les terroirs, augmenter les gammes, mais il ne s’agit pas de planter 1000 cépages. Par contre, les encépagements vont changer et nous mettrons les choses au bon endroit, tout en gardant les cépages actuels.»

Après cette parenthèse l’intarissable Gilles s’en retourne au pressoir, car le vigneron-tâcheron arrive avec une camionnette chargée de gerles débordant de raisin fraîchement récolté et ça n’attend pas.

Rémy Gilliand 

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