“J’ai envie de montrer au Payernois d’où vient leur vin “

7 octobre 2019

Viticulture Formé dans le Vully, le Broyard Gilles Musy est le nouveau patron des caves de Payerne, qui possède 13 hectares en Lavaux. Portrait

«La personne qui vient ici en ba- lade sera conquise directement. Malheureusement, les Payernois ne connaissent que peu la richesse de ce patrimoine car rien n’explique vraiment où ce vin est produit. J’ai envie de le montrer.» Alors que Payerne vient de faire la fête à son vignoble en Lavaux dans le cadre de la Route du Moût, Gilles Musy, le nouvel œnologue des Propriétés de la Ville de Payerne, a pris ses quartiers depuis la semaine dernière au château de Montagny, à Aran, en Lavaux, le temps des vendanges. Pour la première récolte de l’ingénieur formé dans le Vully, il s’agit d’être sur place en permanence pour pouvoir suivre les fer- mentations et apporter les corrections nécessaires aux cépages cultivés sur 13 hectares.

Ces dernières années, Payerne a investi plus de 1,5 million de francs pour moderniser ses installations en Lavaux et cesser de rapatrier le moût à la cave de la reine Berthe pour le vinifier, entraînant des ratages lors des instants cruciaux de la fermentation. Le graphisme des bouteilles et des étiquettes a aussi été revu. Les crus sont répertoriés en trois appellations: Château de Montagny, Château de Bertholod et Les Réserves de l’Abbatiale. Enfin, un caveau de promotion (le KVO) a ouvert sur la place de la Concorde. «Tant au niveau du vignoble que de l’outil de travail, il y a tout pour bien faire ici», sourit l’ingénieur de 34 ans, qui a grandi et vit à Delley, dans la Broye fribourgeoise.

Malgré ces efforts, la cave communale reste déficitaire ces dernières années. Aux comptes 2018, alors que le chiffre d’affaires est légèrement supérieur au million de francs, la perte a coûté près d’un point d’impôt aux contribuables payernois. «Nous vivons dans un marché compliqué, marqué par une baisse générale de consommation et notamment du vin suisse, explique la syndique, Christelle Luisier Brodard. Dans ce contexte, nous parvenons à main- tenir nos ventes de bouteilles à environ 70 000 cols à l’année, mais le vin vendu en vrac vaut beau- coup moins que par le passé.»

Les vignes font néanmoins par- tie du patrimoine de Payerne de- puis le XVIe siècle. La cave participe à la vie sociale, notamment auprès des sociétés locales. Gilles Musy espère développer ce lien dans toute la région: «Ici, à Lavaux, ça me semble compliqué de vendre davantage, car il y a déjà énormément de vignerons. Mais à Payerne, on ne trouve même pas ce produit dans tous les bistrots. Pas plus que dans le reste de la Broye, alors qu’il y a de la consommation et que les vignobles les plus proches sont au Vully ou à Cheyres.» Le potentiel est donc bien là. Pour ce faire, ce jeune papa d’une fille de 17 mois, qui élève aussi les deux garçons de sa compagne, mise sur son bagage. Il y a trois ans, il s’était déjà intéressé à prendre la succession de Serge Grognuz, caviste payernois retraité, qui l’aide toujours pendant les vendanges. Fabien Bernau étant reparti vinifier à Cully, il n’a pas laissé passer le train, ce printemps.

Gilles Musy, qui n’est pas issu d’une famille vigneronne, s’est passionné pour la vigne à 18 ans. Ayant cessé le collège à Fribourg, il a travaillé une année avec Christian Vessaz, fer de lance de la progression des vins du Vully, avant d’entreprendre un CFC de viticulteur. Il complète son cursus jusqu’en 2010 en devenant ingénieur œnologue à Changins. «Deux jours après la réception de mon diplôme, je commençais à travailler pour Jean-Daniel Chervet», sourit-il.

Mondial du chasselas

Le duo obtiendra des distinctions incroyables pour le petit vignoble intercantonal, décrochant notamment un Grand Prix du vin suisse pour un assemblage blanc en 2013 et remportant le Mondial du chasselas en 2014! «Cette période était géniale. Durant la formation, on apprend plein de théories, mais ce qu’il faut pour progresser, c’est tester. Et avec Jean-Da, on a essayé une foule de choses», glisse l’ancien chef d’équipe de cinq employés.

Il a désormais la tâche de faire progresser la notoriété des crus payernois, avec la complicité de Nicolas Pittet, tâcheron de la commune au Château de Montagny. «Son travail de la vigne est excellent. Les quantités seront proches des quotas et l’équilibre entre sucre et acidité est idéal.» La vendange a débuté par le pinot noir et le gamay. Dès lundi, ce sera au tour du chasselas, avant de terminer par le merlot. Un millésime à déguster dès le printemps prochain.

Sébastien Galliker

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