Vendanges précoces, mais de rêve

24 septembre 2020

Avec environ quinze jours d’avance par rapport à l’an dernier, les vendangeurs sont déjà au travail en Lavaux. L’occasion d’une visite dans le vignoble de la commune de Payerne. Le millésime 2020 s’annonce exceptionnel, mais les quantités moindres, tant mieux à quelque part.

Les premiers bacs de la journée arrivent à la cave de Montagny, remplis de raisin rouge. Le jeune caviste-œnologue Gilles Musy s’active avec le Payernois Serge Grognuz, caviste-œnologue retraité. La paire a le sourire, tout comme le nouveau vigneron-tâcheron Arthur Pidoux. Premièrement, le temps est splendide, mais surtout la récolte est fort prometteuse en qualité.

C’est assez paradoxal cette année, car avec la crise du coronavirus, bien des flacons sont encore à croupir dans les caves des vignerons qu’ils soient de Lavaux, du Vully ou d’ailleurs. «Effectivement, avec toutes les fêtes qui n’ont pas eu lieu, c’est problématique, mais que voulez-vous faire?» Gilles montre les parchets gorgés de belles grappes. Le raisin est prêt et il n’attendra pas.

«Cette récolte est très précoce, nous sommes deux semaines et demie en avance sur l’an dernier, mais en 2003, c’était encore plus tôt», rappelle Gilles Musy.

La vigne n’est pas stressée

«L’été a été chaud, mais la vigne n’a pas souffert du sec et elle n’est pas stressée, car les épisodes de pluie ont été les bienvenus. Tout s’est passé au bon moment», relate-t-il.

Dans les vignes payernoises, la semaine dernière, on a débuté par les rouges. «C’est assez maigre, septembre a été sec et les baies sont concentrées, il y a peu de rendement, mais le taux de sucre est élevé. La maturité phénolique est là, les tanins sont arrondis, c’est absolument extraordinaire et cela nous promet des vins de garde. C’est une vendange de rêve à quelque part», ajoute l’œnologue dithyrambique. Au sondage, le pinot oscille entre 105 et 110 degrés Œchslé, pour le gamay, c’est 95 degrés, parfait pour les rosés.

Lundi, les vendangeurs ont attaqué les blancs, avec le chasselas, cépage roi des coteaux de Lavaux. Là aussi, les degrés sont hauts, entre 82 et 88 degrés. «On a une belle sucrosité et plus du tout d’amertume», glisse-t-il en avalant une baie. Gilles s’inquiète de la météo moins favorable cette semaine. «Avec la flotte prévue, on devra jongler avec cette météo pour ne pas avoir des grappes trop humides. Mais cela va jouer.»

A cause de ce satané virus, les vendangeurs recrutés par Arthur Pidoux et Nicolas Pittet viennent tous du pays. «La petite quinzaine de vendangeurs est priée de ne pas se serrer la main, de garder leurs distances et le soir, ils rentrent chez eux. Ce n’est pas la main-d’œuvre qui manquait cette année. On aurait pu faire trois équipes», poursuit Gilles Musy.

Les vendanges continuent avec le reste du chasselas, le pinot gris, le viognier, le sauvignon, puis le merlot et le cabernet sauvignon en dernier, sur les différents parchets entre Bertholod, Montagny, Grandvaux.

Avec un tel paysage, ça ne peut qu’aller

A une heure buvable, tandis que le pressoir fait son job, arrive Fabien Bernau, prédécesseur de Gilles Musy, maintenant caviste-œnologue à Cully. Il n’a pas la mine des grands jours, car un précieux collaborateur de cette vendange lui a glissé entre les mains, «victime» d’une quarantaine. «La vendange s’annonce exceptionnelle, mais l’avenir de notre profession l’est moins. La clientèle privée est encore là, mais les restaurateurs vaudois qui sont une grosse clientèle, trinquent encore avec les nouvelles mesures qu’on leur impose. Et tous les événements qui s’annulent…»

Au loin, en contrebas, sur le Léman, résonne la corne de brume du vapeur La Suisse. Une carte postale vivante. Verre en main Fabien Bernau reste philosophe: «Quand tu as un tel paysage devant les yeux, ça ne peut qu’aller. On ne peut pas se louper, on n’a pas le droit», lance-t-il, l’œil humide et malicieux.

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